SANG DE PIERRE

NOTE D’INTENTION :

D’aussi loin que je me souvienne la nature est présente en moi, dans mon environnement proche, reliée à mes jeux d’enfants, mes pratiques, mes préoccupations, mon travail et mes engagements.
De mes premiers travaux de Land Art(1) en milieu urbain (fin des années 90) à aujourd’hui avec le projet « Sang de Pierre », il y a une constance, un fil conducteur qui guide mes choix et mes actes créatifs : la Nature et les Hommes.

 

« Sang de Pierre », au même titre que mes précédents travaux, propose une vision poétique et ludique de notre environnement. Environnement naturel que sont les forêts, les rivières, les océans.. environnement produit par les hommes que sont nos villes, nos routes, nos barrages.. tout en évoquant une surproduction, caractéristique de l’homme, qui le dépasse largement aujourd’hui et dans laquelle il s’enfouit toujours plus.
Alors à quoi pourrait bien ressembler le monde de demain ?
Pourquoi pas un monde où la Nature reprendrait ses droits(2), crèverait le bitume, épouserait les bâtisses, camouflerait les squelettes de nos déchets à énergie verte, poussant le ridicule de notre paradoxe constant.
Je travaille actuellement sur la part poétique donnée à l’odeur de la terre, la Géosmine, et plus largement à l’odeur de la pluie et de l’air, le Pétrichor(3), cette matière impalpable qui à la manière de la Madeleine de Proust(4), fait ressurgir les essences de notre mémoire collective, intrinsèque à notre humanité, et sa dystopie.
Plus largement, dans un souci environnementaliste, j’envisage d’aborder cette matière comme prétexte à celles de demain tout en nous remémorant celles d’hier. Et cela, pour mieux parler d’évolution. Evolution de l’ère de la consommation, du ciment, du bitume, de l’ère du plastique si formidable et finalement si dévastateur/destructeur.
Matière qui se traduirait aujourd’hui différemment parce qu’elle n’a plus les mêmes supports pour apparaître dans nos mémoires.
Matière qui couche après couche, illustre l’histoire d’une société, se recouvrant les unes après les autres, annihilant la précédente, enfouissant son progrès, faisant croire à la prochaine tout en sachant très bien qu’elle sera obsolète un jour prochain.

Au travers de réalisations ludiques et optimistes, ou la plante naturelle et organique se mêle aux restes des fabrications de l’homme, je propose une vision des strates d’une nouvelle ère, remodelant le paysage impalpables d’une civilisation désuète/oubliée.
Une approche plastique intégrant plusieurs types de créations, installations végétales vi-vantes, réalisations en plantes stabilisées, ou l’évolution du vivant prend ici naissance.
Dans cette foisonnante dystopie, les matières sont le reflet du subconscient et autant de médiums se recoupant les uns avec les autres, pour laisser transparaître l’idée d’une en-vie nouvelle, d’une autre option, celle d’une harmonie désirée, celle du Primate Retrouvé(5).
L’idée de travailler avec certains matériaux avoisinant l’espace de résidence est une op-portunité supplémentaire. Mousses, branches, humus mais aussi pierres, roches, routes et interstices me semblent pertinent.

1- Land art en milieu urbain : lien site mride.fr
2- « Le champignon de la fin du monde, Sur la possibilité de vivre sur les ruines du capitalisme », Anna Tsing, 2017, édition La découverte/Les empêcheurs de tourner en rond
3- Pétrichor : « pétros » (pierre), et « ichor » (sang des dieux)
4- Madeleine de Proust : Marcel Proust, « A la recherche du temps perdue », volume 1 : Du coté de chez Swan – 1913

5- Comme retour à nos instincts premiers d’harmonie avec la nature – « Heureux qui comme Ulysse » – Androïdes, tome 2, bande dessiné Olivier Peru/Geyser édition soleil

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2021